Au fil d’Avril…
Au courrier de ce matin
Une lettre d’informations, une de ces circulaires qui circulent effectivement beaucoup, partout et systématiquement. Mais là, Corinne a retenu mon attention. Corinne est notre fournisseur des masques du Panama; et elle m’a emmenée, prise par la main, dans son monde à elle. Et surtout, j’ai eu du plaisir à la lire. Alors, ce soir, je partage. Partager: c’est si beau ces jours non ? Partageons simplement son petit moment, ses lignes qui nous emmènent dans un autre Univers que le nôtre.
Corinne écrit …
Les villages indigènes avec lesquels je travaille se situent à la frontière entre le Panama et la Colombie, côté Panama.
Aujourd’hui ces villages sont aussi en quarantaine, obéissant à la règlementation très stricte mise en place par le gouvernement panaméen.
Au Panama, les sorties sont limitées à une heure par jour et hommes et femmes doivent sortir en jours alternés. La vente et la consommation d’alcool sont interdits: « ley seca ».
Dans la forêt,
les indigènes patientent.
Aucun cas de Corona virus n’a été détecté à ce jour dans la région dans laquelle je travaille, mais la réglementation est la même que dans les villes.
Seul le gros village de Meteti, situé sur la route trans-américaine et où je fais régulièrement étape, dénombre quelques cas positifs.
Mais côté Colombien, j’ai appris hier que trois personnes sont mortes dans les villages indigènes proches de la frontière, il s’agit de la partie la plus pauvre du pays et le gouvernement colombien s’inquiète de cette situation.
Dans tous les villages, les populations indigènes sont soumises au même contrôle que dans la capitale, Panama city. Tout le monde dispose d’une heure pour aller à la rivière et les hommes sont autorisés à se déplacer pour l’agriculture, chacun produisant à proximité du village quelques légumes pour la famille.
Le reste du temps
On reste confiné dans la « choza ».
« Il n’y a dehors que les chiens et les poules» me disait hier Daniel, un de mes contacts sur place avec lequel je me suis entretenue par téléphone.
La rivière est là, tout près.
C’est le lieu de vie, on s’y lave, on utilise l’eau pour boire et cuisiner, on y lave le linge et le gibier et en temps normal on entend les rires et les cris des enfants qui passent le plus clair de leur temps à jouer dans l’eau.
Les villages sont tous établis au bord des cours d’eau, seule voie de circulation.
Dans chaque village indigène, il y a un poste de police. Ces policiers spécialement entraînés à la surveillance de cette frontière avec la Colombie sont aujourd’hui aussi chargés de surveiller l’application de cette loi exceptionnelle. On reste chez soi, dans les cabanes de bois, en général entre trois et quatre générations sont regroupées là.
Benicio me disaient ces jours que les femmes m’attendent. Tout s’est interrompu quelques jours avant mon arrivée. Tout semble resté en suspens.
Il me disait qu’elles profitent de ce temps accordé pour continuer à tisser des masques, en tout cas pour celles d’entre elles qui ont encore du matériel pour le faire.
Je ne veux pas être inquiète et penser :
Que va-t-on faire de tous ces masques? Allons-nous retrouver nos clients ? Je préfère penser: bientôt je serai de nouveau là-bas et je vais être émerveillée comme toujours par les nouveaux masques qui m’attendent, le sourire des femmes et le rire des enfants.
Et nous serons heureux de nous retrouver et de recommencer.
Tout ira bien.
Corinne Bally
Ethic & Tropic